Suspension de l’aide américaine: risque de résurgence du Vih Sida en Afrique
- Alain Leuwat
- 21 mars
- 3 min de lecture
Au lendemain de décision de Donald Trump, des millions de patients risquent d’être coupés de leur traitement. Il y a menace sur plusieurs décennies de progrès dans la lutte contre l’épidémie.

L’annonce a fait l’effet d’un séisme. A peine installé à la Maison-Blanche, Donald Trump a suspendu une grande partie de l’aide étrangère américaine, mettant en péril des programmes vitaux pour des millions de personnes. Parmi les secteurs les plus touchés, la lutte contre le VIH en Afrique risque de subir un recul dramatique.
Avec 25 millions de personnes vivant avec le virus en Afrique subsaharienne, soit près des deux tiers des cas mondiaux, la dépendance à l’aide internationale est critique. Or, l’initiative phare des États-Unis, le President’s Emergency Plan for AIDS Relief (PEPFAR), qui a permis de sauver plus de 26 millions de vies depuis 2003, est aujourd’hui paralysée.
Le financement de l’USAID, bras opérationnel de l’aide américaine, étant gelé, l’approvisionnement en antirétroviraux (ARV) est compromis dans plus de 50 pays. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) tire la sonnette d’alarme : le Nigeria, le Kenya, le Lesotho, le Soudan du Sud, le Burkina Faso et le Mali risquent une pénurie de traitements dans les prochains mois. En l’absence d’une réponse rapide, les projections sont catastrophiques : plus de 10 millions de nouvelles infections et 3 millions de décès supplémentaires à redouter.
Dans les hôpitaux et centres de santé du continent, l’impact est déjà palpable. « Nous avons dû fermer plusieurs unités de prise en charge, faute de médicaments », témoigne un responsable d’une ONG médicale opérant en Afrique de l’Ouest. « Nous recevons chaque jour des patients qui ne savent pas s’ils pourront poursuivre leur traitement.
Cette incertitude est un drame humain. » L’interruption des ARV entraîne des conséquences en cascade. Sans traitement, le risque de transmission du virus augmente, notamment de la mère à l’enfant. Les progrès réalisés en matière de prévention et de dépistage sont également menacés car, de nombreuses campagnes sont suspendues faute de financement.
Un retrait américain aux conséquences globales
Au-delà du VIH, la décision américaine s’inscrit dans une dynamique de repli plus large. Washington a également annoncé son retrait de l’OMS, privant l’agence de son principal bailleur de fonds. Cette rupture fragilise l’ensemble des systèmes de santé des pays en développement, déjà éprouvés par des crises multiples, du paludisme à la malnutrition.
Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, met en garde contre une approche précipitée et irresponsable : « si les États-Unis retirent leur soutien, ils doivent permettre une transition ordonnée, afin d’éviter une catastrophe humanitaire. » Car, au-delà des considérations humanitaires, l’enjeu est aussi global. En réduisant son engagement dans la santé mondiale, les États-Unis s’exposent indirectement à un retour de maladies infectieuses sur leur propre territoire. L’affaiblissement des dispositifs de lutte contre le VIH, mais aussi contre d’autres épidémies comme Ebola ou la tuberculose, pourrait avoir des répercussions bien au-delà du continent africain.
Face à cette situation, plusieurs voix s’élèvent pour réclamer une prise de relais par d’autres acteurs internationaux. L’Union européenne, la Chine ou encore des fondations privées comme celle de Bill et Melinda Gates pourraient jouer un rôle accru dans le financement des programmes de santé en Afrique. Mais le temps presse.
Chaque jour sans traitement met en danger des vies. Sans une mobilisation rapide, l’Afrique risque de revivre le cauchemar des années 1990, où l’absence de médicaments transformait une infection en une condamnation à mort. La lutte contre le VIH est un combat de long terme, qui ne peut souffrir d’un désengagement brutal des puissances mondiales. À l’heure où l’Afrique fait face à des défis sanitaires, économiques et environnementaux majeurs, la suspension de l’aide américaine constitue une menace supplémentaire pour des millions de personnes déjà vulnérables.
Alain Leuwat
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