Mandat impératif : le détail qui pourrait tout changer
- wilfriedfrancky
- 19 mai
- 3 min de lecture
Un débat constitutionnel qui refait surface

Depuis quelques jours, la sphère politique camerounaise est en ébullition. Au cœur des discussions : la portée réelle du mandat parlementaire et la place des partis politiques dans les institutions de la République. C’est à la faveur d’une déclaration de Hamadou Babba Abdouraman, figure de la société civile, que le sujet refait surface. Selon lui, le principe de « mandat impératif nul » tel qu’inscrit dans la Constitution camerounaise remet fondamentalement en cause la représentativité des partis politiques dans les grandes instances du pays.
Une lecture stricte de la Constitution
Pour M. Abdouraman, les dispositions des articles 15, 20 et 57 de la Constitution sont claires :
Le député, une fois élu, représente l’ensemble de la Nation, non son parti (Art. 15 al. 2).
Le mandat impératif est expressément interdit (Art. 15 al. 3).
Le Sénat est l’émanation des collectivités territoriales décentralisées (Art. 20).
Les conseillers régionaux représentent des entités territoriales, non des formations politiques (Art. 57).
En somme, aucun élu – député, sénateur ou conseiller – ne devrait, au regard de la loi fondamentale, être considéré comme un mandataire d’un parti politique.
Des incohérences dans le Code électoral ?
C’est ici que le bât blesse. L’article 121 du Code électoral conditionne la candidature à l’élection présidentielle à la représentation d’un parti dans les institutions. Or, pour Abdouraman, cette exigence est en contradiction directe avec la Constitution, et devrait être déclarée inapplicable.
Il estime que cette disposition prive injustement certains partis de leur droit à présenter un candidat, alors même que, juridiquement, aucun parti ne peut être représenté dans lesdites institutions au sens constitutionnel du terme.
Un mandat représentatif, pas partisan
Cette lecture ouvre un débat plus large sur la nature du mandat électif au Cameroun. Une fois élu, un député ne doit plus agir au nom de ceux qui l’ont porté au pouvoir ou du parti qui l’a investi, mais exclusivement au nom de la Nation toute entière.Dans cette logique, les votes, positions et décisions d’un élu ne peuvent pas être dictés par une ligne partisane sans tomber dans l’illégalité constitutionnelle.
Une action en vue contre ELECAM
Face à ce qu’il considère comme une incohérence majeure entre la loi fondamentale et le code électoral, Hamadou Babba Abdouraman annonce sa volonté de saisir le Conseil Électoral d’ELECAM dans les jours à venir.Il exige que l’institution électorale revienne à une stricte interprétation constitutionnelle des conditions de candidature, notamment en vue de la prochaine présidentielle.
Ce que cela change concrètement
Si cette lecture venait à être reconnue officiellement, elle ouvrirait une nouvelle ère électorale au Cameroun :
Tous les partis légalement reconnus pourraient présenter un candidat à la présidentielle, indépendamment de leur représentation institutionnelle actuelle.
Le système politique verrait s’effondrer l’un de ses piliers de sélection des candidats, au profit d’un retour au texte fondamental.
Et surtout, cela réinterrogerait la légitimité des pratiques partisanes au sein des institutions, en renforçant la notion d’indépendance des élus.
Conclusion : vers un rééquilibrage institutionnel ?
Le débat relancé par Hamadou Babba Abdouraman met en lumière une contradiction longtemps ignorée entre la Constitution camerounaise et certaines pratiques politiques actuelles. Plus qu’une simple querelle juridique, c’est une réflexion profonde sur la nature de la démocratie représentative au Cameroun qui s’ouvre.Reste à savoir si les autorités compétentes y prêteront une oreille attentive, ou si, une fois encore, la logique politique primera sur le droit.
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