Filière Cotonnière : L'Effondrement du Naira Nigérian Favorise le Circuit Formel de la Sodecoton

La Crise de la Monnaie Voisine Réduit la Contrebande

La Société de Développement du Coton (Sodecoton), pilier de l'économie du Nord-Cameroun, bénéficie d'un effet inattendu de la crise économique nigériane. La chute drastique du Naira (NGN), la monnaie du pays voisin, est en train de rendre le commerce informel et la contrebande de coton vers le Nigeria moins lucratifs.

Cette dépréciation monétaire majeure décourage les producteurs de coton camerounais de vendre illégalement leur récolte au-delà de la frontière. En conséquence, une proportion croissante d'entre eux choisit de réintégrer le circuit formel de la Sodecoton pour écouler leur production, assurant ainsi à l'entreprise publique de meilleures garanties d'approvisionnement et une plus grande traçabilité.

Un Retour Salué par l'Opérateur Public

Pour la Sodecoton, dont la santé financière est souvent précaire (elle a notamment perdu près de 14 milliards de FCFA en 2024 à cause des aléas climatiques), le retour de ces volumes dans le circuit légal est une bouffée d'oxygène. La contrebande vers le Nigeria représentait traditionnellement une fuite importante des récoltes, privant l'opérateur de matière première essentielle pour ses usines d'égrenage et de transformation (huile alimentaire, tourteaux, etc.).

La stabilité et la valeur du FCFA, arrimé à l'Euro, offrent aux producteurs une sécurité de paiement et des revenus plus prévisibles que les transactions en Naira dévalué, ce qui renforce l'attractivité du contrat avec la Sodecoton.

Stratégie de Consolidation du Secteur

Ce contexte conjoncturel favorable vient soutenir les efforts stratégiques déployés par l'État pour consolider la filière cotonnière. L'État camerounais a récemment renforcé son contrôle sur la Sodecoton, portant sa participation à 89 % après le rachat des actions de Geocoton pour 46 milliards FCFA, réaffirmant son rôle central.

De plus, des initiatives sont en cours pour mieux valoriser la fibre. Des projets comme la construction d'une centrale solaire à Touboro ou l'accord avec l'Onacc pour réduire les pertes liées aux changements climatiques visent à sécuriser la production et à augmenter la compétitivité d'un secteur qui a généré 47 milliards de FCFA de recettes au premier trimestre 2025 pour le coton brut.

L'effet "Naira" offre une opportunité inespérée à la Sodecoton de stabiliser ses approvisionnements et de s'assurer une bonne exécution de ses campagnes, en attendant que les mesures structurelles portent pleinement leurs fruits.